lun, 06/28/2010 - 19:15
L'Afrique du Sud est-elle africaine ?
Newton, Johannesburg (E.Versace/ France 24)
Dans quelques jours, tout le continent africain sera derrière l’équipe du Ghana qui affronte l’Uruguay pour une place historique en demi-finale. Les Sud-Africains qui ont vu sombré leurs Bafana-Bafana, ne dérogeront pas à la règle. Le leitmotiv qu’on entend à-peu-près partout dans les rues de Johannesburg est : "Le Ghana est le dernier espoir de voir une équipe africaine briller à notre coupe du monde." Voir les Sud-Africains, dans leur plus grande diversité, soutenir le Ghana n’est pas un geste anodin. Car depuis quand l’Afrique du Sud est-elle vraiment africaine ?
Prenons l’exemple de Johannesburg. Avec son centre ville pauvre parsemé de tours de verre, sa vaste banlieue résidentielle surprotégée, ses autoroutes à quatre voies zigzaguant entre les buildings, la capitale économique du pays ressemble plus à Detroit qu’à Dakar ou Abidjan.
La différence n’est pas seulement architecturale, elle se retrouve également dans l’atmosphère du lieu. Avec plusieurs reportages à son actif sur le continent africain, Willy Bracciano, grand reporter à France 24, confirme que l’ambiance assez froide de Johannesburg n’a rien à voir avec l’effervescence et la chaleur humaine que l’on peut retrouver en Afrique de l’Ouest. Plusieurs raisons pourraient expliquer ces différences.
Confinée à la pointe australe du continent, l’Afrique du Sud est physiquement séparée du reste de l’Afrique par un désert et ne partage de frontières qu’avec des nains économiques ou d’anciennes puissances régionales comme le Zimbabwe. L’isolement géographique associé à l’héritage de l’apartheid, qui privilégiait les relations avec l’Occident plutôt qu’avec le reste du continent, a laissé des traces dans les rapports qu'a le pays avec les autres pays africains. Autre lègue pervers de ce régime est la méfiance qu’ont les populations noires de leurs voisins.
Durant l’apartheid, les autorités sud-africaines montraient une image dégradée du reste de l’Afrique pour tenter de convaincre les populations noires qu’elles étaient mieux loties sous leur régime que ne pouvaient l’être les Ougandais sous Amin Idi Dada ou les Guinéens sous Ahmed Sékou Touré. Cette propagande a fini par rendre les Sud-Africains soupçonneux voire violents envers les immigrés africains dès que des tensions sociales apparaissent comme ce fut le cas en 2008. Soixante-deux immigrés Zimbabwéens avaient été tués lors d’attaques xénophobes dans le township d’Alexandra. A en croire l'ONG Scalabrini Centre of Cape Town (SCCT), des tensions pourraient réapparaitre après le Mondial à cause de la frustation des Sud-Africains les plus pauvres, qui n'auront pas profité des retombées économiques promises par le gouvernement (Lire article sur le site du Zimbabwean).
Alors, le fait même de voir les Sud-Africains soutenir si ardemment le Ghana dans cette Coupe du monde est doublement honorable. Si l’un des effets de cette coupe du monde aura été de rapprocher un peu plus les Sud-Africains entre eux, l'autre, peut-être moins visible, sera d'avoir donné l'occasion aux Sud-Africains de se rapprocher du reste du continent. Tout ça, grâce au seul amour du ballon rond.

Centre de Sandton, Johannesburg (E.Versace/ France 24)

Vue sur le "donwtown" (centre ville) de Johannesburg (E.Versace/ France 24)
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